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MNA : odeurs nauséabondes sur l’Assemblée

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A défaut de surprendre, le rapport remis le 10 mars (1) par la mission parlementaire sur les Mineurs étrangers non accompagnés (MENA) coanimée par François Eliaou (LREM, Hérault) et Antoine Savignat (LR, Val d’Oise) choque à plus d’un titre : les amalgames, la démarche, les préconisations. Le débat démocratique veut qu’on puisse être en en désaccord ; il est rare en revanche d’avoir un sentiment de honte au regard des valeurs de notre pays et de son intelligence collective. On est dans ce registre.

Un amalgame choquant
Malgré les avertissements qui ont pu leur été donnés, les parlementaires auteurs de ce document persistent dans l’idée confortée par la Chancellerie que les Mineurs étrangers non accompagnés sont, non seulement potentiellement, mais fréquemment – à hauteur de 10% – des délinquants. Bien évidemment de nombreux enfants ou jeunes issus de l’immigration, présents sur le territoire français, sans parents, peuvent commettre des vols, voire des agressions.

Pour autant il est scandaleux d’amalgamer les mineurs de la migration en recherche de formation et de travail, soucieux dans un premier temps de rembourser leurs dettes et d’envoyer de l’argent au pays, puis de vivre en France, avec les enfants des rues du quartier de la Goutte d’Or à Paris ou d’ailleurs, en rupture familiale, livrés à eux-mêmes en France et dans le survie à tout prix comme ils l’étaient souvent dans leur pays, souvent Tunisie, Maroc ou Algérie. Il est tout aussi choquant d’assimiler ces deux catégories d’enfants avec les enfants Roms, rarement réellement isolés, préparés par leur communauté, à commettre des larcins le temps de leur minorité, mais jamais auteurs de violences et d’insécurité physique.

Cette critique fondamentale n’est pas seulement théorique. Ces trois problématiques si on les identifie bien appelle des réponses différentes.

Sans compter que l’approche uniquement sécuritaire retenue, amalgamant étrangers et délinquants, relève tout bonnement d’une certaine idéologie nauséabonde bien typée que chacun peut identifier, qui plus est à la veille d’une échéance électorale délicate où chaque vois comptera. Elle a pour souci de faire l’économie d’une approche sociale : à l’égard des délinquants une seule réponse possible la répression. D’ailleurs les parlementaires n’y manquent pas quand ils appellent, sans état d’âme, à appliquer à ces jeunes une disposition-phare du code de justice pénale des mineurs qu’ils viennent d’adopter, mais qui n’entrera en application qu’au 31 septembre 2021, à savoir la procédure qui veut qu’à l’initiative du parquet le Tribunal pour enfants puisse être saisi pour prononcer rapidement dans le même temps sur la culpabilité et sur la sanction, sous-entendu une peine de prison. Pas nécessaire de prendre le temps d’une mise à l’épreuve éducative pour ces jeunes qui n’en relèvent pas ! La procédure de l’audience unique prévue pour eux suffira (2)

Ayant eu à suivre depuis 1995 quelques 8 000 situations d’enfants tenus pour mineurs étrangers non accompagnés, je peux attester qu’ils ne sont pas délinquants. Ils ont même reçu ordre leurs parents ou de leur communauté, sinon des passeurs, de bien respecter les codes (la loi, les institutions, les personnes). Leur enjeu est d’être hébergés, puis de tout faire pour enclencher leur formation avec la préoccupation de régulariser au mieux et au plus vite leur situation quand les enfants des rues ne demandent rien, voire repoussent toute aide, y compris matérielles.

La démarche   
La démarche est elle aussi choquante. On ne présente les MNA que comme « source de problèmes ». La précaution oratoire liminaire des rapporteurs qui assument ne pas avoir entendus traiter de la question générale des MENA s’avère un exercice de style. Aucun mot, alors que c’eut été aisé, ne fut-ce que politiquement, pour saluer le parcours de l’immensité de ces jeunes et le bénéficie pour le pays. Mais les parlementaires se sont-ils penchés un instant sur le sujet malgré ce qui leur a été suggéré par nombre de ceux qu’ils ont auditionnés. Ne fut-ce que pour prétendre la mesure réelle du sujet qu’ils entendaient aborder. Silence.

On retiendra de leur travail avec l’aura qui l’entoure que « MNA = problèmes=danger ». Le questionnaire mis au point pour préparer les auditions ne préjugeait rien de bon. Il était, de ce point de vue, on ne peut plus tendancieux, uniquement tourné sur des aspects sécuritaires avec des présupposés scandaleux de la part de parlementaires en recherche et en interrogations. (3)

Cela n’empêche pas la mission de s’attacher fondamentalement au volet étranger, mais bien sûr sous le seul angle du séjour frauduleux. Ainsi, relayant la posture du ministère de l’intérieur, le rapport propose de rendre obligatoire l’adhésion des departements au fichier national d’appui à l’évaluation de la minorité des MNA quand, avec le souci de rester crédibles, nombre de collectivités sont hostiles au fait de mobiliser leur intervention sociale au service d’une démarche sécuritaire. De même entend-on de faciliter la prise d’empreintes faute de papiers d’identité tenus pour faisant foi. De fait nombre de ces jeunes MENA qui se prétendent ab initio mineurs pour profiter du statut d’enfant – à court terme mise à l’abri et non expulsabilité et en perspective régularisation sinon naturalisation – ne le sont pas. (4)

De même les enfants des rues pour échapper aux sanctions pénales prévues pour les adultes et à l’expulsion mentent sur leur âge. On peut entendre et partager la légitime préoccupation des pouvoirs publics de vouloir séparer les uns des autres. Et de fait les dispositions de la protection de l’enfance doivent être réservées aux mineurs et ne pas être détournées.

Mais justement que proposent de spécifique ces parlementaires pour ceux qui sont convaincus d’être mineurs et qui selon eux commettraient des délits? A l’aune de l’accord franco-roumain de 2001 dénoncé par le Conseil Constitutionnel   – décision du 4 novembre 2010- pour non-conforme aux droits des enfants, imagine-t-on de les renvoyer de force dans leur pays ? Comme le propose l’accord du 7 décembre dernier , faire venir en France quelque éducateurs marocains et préparer le retour au Maroc, pour utile, est-il à la hauteur ?

Des réponses simplistes
Et enfin comment ne pas être abasourdis par la nature de la réponse suggérée spécialement pour ces enfants des rues qualifiés à tort, on ne le dira jamais assez, de MNA qui, de fait, par leur comportement, peuvent être dangereux, mais qui fondamentalement sont en grand danger ? lls sont isolés, exploités, polytoxicomanes sévères, etc.. En ce XXI° siècle, ces parlementaires qui affichent de vouloir rompre avec l’ancien monde n’ont pas d’autres solutions à avancer que la répression pure et simple : incarcération et expulsion ou réacheminement vers le pays d’origine. Cette stratégie, de longue date, a touché ses limites. Des mesures coercitives, y compris strictes, peuvent s’imposer en terme d’ordre public à court terme, mais elles ne sont pas une fin en soi ; au mieux elles constituent un moyen au service d’une stratégie éducative. Où est cette stratégie? Qui est mobilisé et pour quoi?

Par quel bout qu’on prenne ces travaux, par-delà certaines propositions positives comme la condamnation de l’accueil hôtelier, ils sont glauques du fait de la posture initiale.. Ils jouent sur les plus mauvais ressorts et trahissent une nouvelle fois une méconnaissance des termes des trois dossiers à traiter. On est dans la facilité d’analyse et donc dans la facilité des réponses avancées. La réponse est colorée !

Le dossier des enfants des rues de la Goutte d’or et de certains quartiers urbains à Bordeaux, Rennes, Montpellier, Nantes , Toulouse, etc. est indéniablement délicat. Il ne peut pas être traité sur ce seul registre sécuritaire. Il faut aller au contact de ces jeunes, créer une relation de confiance, les prendre en charge individuellement, leur ouvrir un projet de vie. Les deux volets de l’intervention publique doivent être développés et articules

Le dossier MENA pour sa part mérite aussi depuis des années qu’on s’y attache vraiment dans toutes ses dimensions, séjour et protection (mise à l’abri, prise en charge éducative). Dans le cadre du rapport de force Etat-Départements et eu égard à sa nature, ouvert dès 1995, il est toujours mal-traité au point d’interferer en permanence avec les enjeux de la protection de l’enfance qu’il impacte fortement quand 17 000 des 170 000 mineurs accueillis sont des MNA. On l’a abordé fréquemment ici. La puissance publique, d’Etat et territoriale, devrait enfin l’aborder lucidement en lien avec le secteur associatif qui accueille ces jeunes. Jusqu’ici il a été traité comme un boulet ou une charge que chacun se renvoie, quand de par la loi il releve d’une co-responsabilité entre ceux qui gère le séjour et ceux qui développe une action sociale. Il n’est pas spécifique à la France. Ici comme ailleurs il n’est pas seulement une charge, mais une chance pour la collectivité. L’expérience depuis 1995 démontre que ces jeunes sous la pression migratoire ne repartiront pas chez eux. Dans notre propre intérêt d’ordre public et économique, l’enjeu est donc de les intégrer

Ne parlons pas du dossier des enfants Rom d’une difficulté séculaire. Il faudrait déjà pouvoir mieux stabiliser ces familles pour avoir une chance d’offrir une scolarisation notamment aux jeunes filles. On sait que là encore les options sécuritaires conduisant fréquemment à démolir en quelques jours ce que patiemment les associations, des enseignants et des maires ont réussi à enclencher, nouant une relation de confiance avec les intéressés pour combattre des traditions séculaires. Là encore a-t-on pris le temps d’aborder sereinement ces questions ?

A coup sûr l’approche proposée aujourd’hui par l’Assemblée nationale ne contribue pas à décrisper les relations entre les différents intervenants sur ces sujets délicats. Ce rapport contribue à jeter l’opprobre sur les MNA et l’immigration. Les quelques avancées positives reprenant des préconisations des personnes et institutions auditionnées (conf.le  communiqué de la CNAPE) proposées sont entachées par le présupposé fallacieux de la démarche politique.

Et doit-on rappeler aux parlementaires qu’ils viennent de voter un CJPM qui introduit la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant, valeur-clé de la CIDE, comme nouveau référenciel de notre politique pénale vers les mineurs. Le Conseil constitutionnel risque donc d’avoir un premier exercice intéressant quand il s’agira effectuer le contrôle des mesures législatives avancées à l’aune de l’intérêt supérieur de l’enfant qui en première intention apparait singulièrement négligé.

Une nouvelle fois, l’enfant venu d’ailleurs est plus traité comme un étranger que comme un qu’enfant Une nouvelle fois on se trompe. On devra en rendre des comptes.

1 – Le Monde du 11 mars 2021
2 – Les mêmes sont cohérents puisqu’ils ont justifié politiquement le nouveau CJPM par la délinquance des MNA !
Précisons que le rapporteur du CJPM était membre de cette commission et tenait régulièrement le discours assimilant les MNA à des délinquants ou les confondant avec des enfants Roms
3 – Les mêmes fraichement élus ne voyaient l justice des enfants qu’à travers la justice pénale
4 – – Les jeunes Roms eux jouent sur le seuil 13 ans pour éviter l’incarcération


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